BULLETIN DE L'ARMÉE.
Charleroi 15 juin 1815, au soir.
Le 14, l'armée était placée de la manière suivante :
Le quartier impérial à Beaumont.
Le 1er corps, commandé par le général d'Erlon, était à Solre, sur la Sambre.
Le 2e corps, commandé par le général Reille, était à ham-sur-heure.
Le 3e corps, commandé par le général Vandamme, était sur la droite de Beaumont.
Le 4e corps, commandé par le général Gérard, arrivait à Philippeville.
Le 15, à trois heures du matin, le général Reille attaqua l'ennemi et se porta sur Marchienne-au-Pont, Il eut différents engagements dans lesquels sa cavalerie chargea un bataillon prussien et fit 300 prisonniers.
A une heure du matin, l'Empereur était à Jamioulx-sur-Heure.
La division de cavalerie légère du général Domon sabra deux bataillons prussiens et fit 400 prisonniers.
Le général Pajol entra à Charleroi à midi. Les sapeurs et les marins de la Garde étaient à I'avant-garde pour réparer les ponts ; ils pénétrèrent les premiers en tirailleurs dans la ville, Le général Reille avec le 1er de hussards, se porta sur Gosselies, sur la route de Bruxelles, et le général Pajol sur Gilly, sur la route de Namur.
A trois heures après midi, le général Vandamme déboucha avec son corps sur Gilly.
Le maréchal Grouchy arrive avec la cavalerie du général Exelmans.
L'ennemi occupait la gauche de la position de Fleurus. A cinq heures après midi, l'Empereur ordonna l'attaque. La position fut tournée et enlevée. Les quatre escadrons de service de la Garde, commandés par le général Letort, aide de camp de l'Empereur, enfoncèrent trois carrés : les 26e, 27e et 28e régiments prussiens furent mis en déroute. Nos escadrons sabrèrent 4 ou 500 hommes et firent 1,500 prisonniers.
Pendant ce temps, le général Reille passait la Sambre à Marchienne-eau-Pont, pour se porter sur Gosselies avec les divisions du Prince Jérôme et du général Bachelu, attaquait l'ennemi, lui faisait 250 prisonniers et le poursuivait sur la route de Bruxelles.
Nous devînmes ainsi maîtres de toute la position de Fleurus.
A huit heures du soir, l'Empereur rentra à son quartier général Charleroi.
Cette journée coûte à l'ennemi cinq pièces de canon et 2,000 hommes, dont 1,000 prisonniers. Notre perte est de 10 hommes tués et de 80 blessés, la plupart, des escadrons de service, qui ont fait les charges, et des trois escadrons du 20e de dragons, qui ont aussi chargé un carré avec la plus grande intrépidité. Notre perte, légère quant au nombre, a été sensible à l'Empereur, par la blessure grave qu'a reçue le général Letort, son aide de camp, en chargeant à la tête des escadrons de service. Cet officier est de la plus grande distinction. Il a été frappé d'une belle au bas-ventre, et le chirurgien fait craindre que sa blessure ne soit mortelle.
Nous avons trouvé à Charleroi quelques magasins. La joie des Belges ne saurait se décrire. Il y a des villages qui, à la vue de leurs libérateurs, ont formé des danses, et partout c'est un élan qui part du cœur.
Dans le rapport de l'état-major Général, on insérera les noms des officiers et soldats qui se sont distingués.
L'Empereur a donné le commandement de la gauche au prince de la Moskova, qui a eu le soir son quartier général aux Quatre-Chemins, sur la route de Bruxelles.
Le duc de Trévise, à qui l'Empereur avait donné le commandement de la jeune Garde, est resté à Beaumont, malade d'une sciatique qui l'a forcé de se mettre au lit.
Le 4e corps, commandé par le général Gérard, arrive ce soir à Chàtelet. Le général Gérard a rendu compte que le lieutenant général Bourmont, le colonel Clouet et le chef d'escadron Villoutreys ont passé à l'ennemi. Un lieutenant du 11e de chasseurs a également passé à l'ennemi. Le major général a ordonné que ces déserteurs fussent sur-le-champ jugés conformément aux lots.
Rien ne peut peindre le bon esprit et l'ardeur de l'armée. Elle regarde comme un événement heureux la désertion de ce petit nombre de traîtres, qui se démasquent ainsi.
Extrait du Moniteur du 18 juin 1815.